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             ICSSUR  2005 - Quantum success, la téléportation quantique : une réalité
 
ICSSUR'05 : Quantum Success
La téléportation quantique, une réalité

(This article has been published in "Les Annales françaises de Chronométrie et de Microtechniques, année 75, août 2005"
as a report on the ICSSUR'05 held in Besançon, France)

DOSSIER : La téléportation quantique, c'est quoi ?

Un physicien à qui l'on demanderait ce qu'est la téléportation, où en est ce rêve humain un peu fou de voyager dans le temps ou dans d'autres dimensions, à échelle réduite ou intergalactique, répondrait amusé, hochant déjà la tête pour dire que non, la téléportation à échelle humaine n'existe pas ; qu'elle n'est malheureusement à ce jour qu'une utopie, un beau rêve d'enfant, de voyageur perpétuel ou d'amoureux pressé de rejoindre sa belle !


La téléportation quantique aujourd'hui, ce sont des paires de photons ou d'ions enchevêtrés, "intriqués" que l'on piège et manipule, ce sont de nombreux théorèmes où des chats peuvent être à la fois vivants et morts, ce sont des rayons laser, des fibres optiques, des champs électromagnétiques, des théories mathématiques dérivées dans des espaces nouveaux et permettant de découvrir de nouvelles propriétés physiques de la matière tout en élaborant de nouveaux concepts parfois plus philosophiques que scientifiques.

La matière première de nos physiciens "quantiques" : la lumière. Plus exactement, la lumière condensée, comprimée, ( Squeezed ) , dite « non classique », et les photons qui la composent et la caractérisent. La lumière condensée par techniques de diffusion, réflexion, distorsion ou polarisation se transforme en particules d'énergie, ce que la Science tout comme le monde commun désignent aujourdhui comme un quantum d'énergie.

Un « Quantum » ?
Nos dictionnaires définissent le quantum comme "la plus petite quantité" ; toutefois le sens premier de ce terme latin n'évoque pas le « finiment » petit mais au contraire l'infiniment grand : quantum signifie « quelle quantité », sous entendue nombreuse, car il évoque « toutes les quantités possibles », il signifie "autant que possible" et sert souvent à exprimer la démesure ; en poésie, il prend même le sens d'extraordinaire. Un quantum d'énergie serait donc une particule renfermant en elle toutes les quantités d'énergie possibles... et aussi extraordinaire que cela puisse paraître, la physique moderne a réussi à le démontrer : à grand renfort de théorie des nombres, de probabilités, de physique des champs électriques et magnétiques, les nouvelles techniques et technologies d'optique et d'électronique, mises au service de la Science, ont permis aux physiciens détablir qu'un photon à l'état quantique possède plusieurs états d'énergie possibles non prévisibles, non mesurables, mais tous existant ensemble. C'est ce que la physique quantique appelle le principe de Superposition.
ICSSUR'05, 2-6 May 2005 - Besançon, France

La neuvième Conférence Internationale sur les Etats Comprimés et les Relations d'Incertitude ( The International Conference on Squeezed States and Uncertainty Relations - ICSSUR ) , a été organisée en France, du 2 au 6 mai 2005.

Deux ans après la rencontre de Puebla à Mexico, c'est à Besançon que se sont réunis plus de deux cents physiciens du monde entier. Théoriciens ou expérimentateurs, professeurs renommés ou étudiants, avaient cinq jours et près de cent cinquante conférences regroupées par thèmes en une trentaine de sessions, pour présenter les résultats de leurs recherches, échanger leurs intuitions, lever ou soulever des contradictions, comparer expériences et références, dans le but d'obtenir une image précise des avancées et défis liés à la recherche sur les nouvelles technologies quantiques, domaine moderne de la physique .

Orchestré par le professeur Michel Planat, chargé de recherche à lInstitut FEMTO du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), la Conférence proposait également, en marge des exposés présentés dans un des théâtres de la ville, un programme riche de découverte de la campagne franc-comtoise et de sa gastronomie : un banquet, une dégustation des vins et fromages de la région, une visite des anciennes salines royales d'Arc-et-Senans et de la grotte préhistorique d'Oselle ; le cadre idéal pour se détendre mais surtout l'occasion de débattre de manière informelle, de rêver, de laisser la place aux jeux de mots et de l'esprit. Et si l'on tendait l'oreille, un sujet digne du cinéma fantastique retenait bien vite l'attention : la téléportation quantique.

G.G.N.


Par convention on nomme le niveau d'énergie le plus haut possible d'un photon (e) pour excited, sous-entendu 100% excited, et (g) son niveau d'énergie le plus bas (son état seuil, "ground", 100% inactif, ou 0% excited ) . La recherche tente aujourd'hui de définir et de catégoriser les états intermédiaires contenus entre le niveau 0 d'énergie (g) et son niveau 1 (e).
Pour ce faire les physiciens utilisent une autre propriété presque magique du photon à l'état quantique : sa Corrélation. Depuis plus de dix ans maintenant, on a réussi à observer et à démontrer que non seulement en état comprimé le photon s'énergétise en multiniveaux, mais lorsqu'il le fait, c'est en corrélation avec un autre photon du faisceau lumineux comprimé. Dans le magma quantique, le photon va par paire, il y possède un jumeau, ou plutôt un contraire, un complémentaire, un compagnon avec qui il forme un tout, un compagnon avec qui il fait 1. Si lon piège un photon en état d'énergie 1, on lui découvre un compagnon en état d'énergie 0. Ensemble ils forment un système corrélé, ou cohérent : l'état inactif de l'un des photons de la paire implique « automatiquement » l'état excité de l'autre photon, l'expérience ayant déjà montré depuis plusieurs années que la modification de l'état d'un photon d'une paire, par exemple d'excité à inactif, entraîne en temps réel et à distance la modification à l'opposé de l'état d'énergétisation de l'autre (dans notre cas, d'inactif à excité), par une sorte de jeu de vases communicants, les dernières expériences portant à 75 kilomètres. Ce phénomène étrange est appelé : Intrication (entanglement).

Pour le professeur Alexander Sergienko, du Laboratoire d'Imagerie Quantique de l'Université de Boston aux Etats-Unis : « il n'y a aucun tour de magie, aucune lumière supralumineuse venue d'En-Haut. Il s'agit juste dun principe physique qui a à voir avec les champs magnétiques et qui dit que l'intrication, c'est la corrélation plus la superposition ».

Voilà donc posées et vérifiées les bases de la physique quantique. Dans ce contexte particulier de schizophrénie particulaire, nos chercheurs tentent de prendre la mesure d'un monde quantique encore en gestation. "Prendre la mesure" en physique quantique n'est pas si simple : tout est question de probabilités, rien n'est prévisible, tout est occurrence et l'espace de recherche est infini. On ne sait jamais à l'avance si lon pourra piéger un photon, ni dans quel état d'énergie il se présentera (0 1 0,6548... ?). Voilà qui rend l'expérimentation difficile, la répétition de l'expérience presque impossible. Certains physiciens cherchent à produire des paires intriquées en grand nombre, d'autres veulent séparer la paire et étudier les propriétés de chacun des photons, on en soustrait, on en ajoute, on multiplie le nombre d'éléments corrélés d'un système, d'autres encore utilisent la lumière condensée pour faire passer des ions, des atomes, à l'état quantique, avec tous une condition de départ : une intrication idéale, c'est-à-dire parfaite, débarrassée de tous les parasites, bruits ou interférences liés au dispositif d'expérimentation. La réduction et la maîtrise du bruit est l'un des domaines les plus avancés de la recherche quantique.

Quant à la mesure, elle doit être, elle aussi, d'une extrême précision, la vitesse est celle de la lumière, trois cent mille kilomètres par seconde dans le vide, tandis que la dimension du laboratoire est nanométrique ( 1 nanomètre = 1 millionième de millimètre ) . Une grande partie de la recherche en physique quantique s'attèle ainsi à perfectionner les dispositifs de production, de détection, de conservation et de transmission des paires de photons intriqués, rendant les systèmes ou « régimes » quantiques toujours plus stables et fiables, les canaux ou tunnels de transmission toujours plus performants. Le groupe de Pascal Baldi du Laboratoire de Physique de la Matière Condensée de Nice a pu présenter à Besançon sa nouvelle source laser à guide d'ondes au lithium, une des pompes à photon unique les plus efficaces actuellement, tandis que le Département Information et Communication de l'Université de Tokyo se concentre sur la production en grand nombre avec un dispositif fonctionnant avec deux pompes laser jumelles. Pour ce qui est de la maîtrise de la production de photons intriqués : « On y est presque ! », il existe en effet aujourdhui des boîtes à produire des photons intriqués, unique ou par paire, qui devraient permettre aux expériences de se multiplier, aux dispositifs de se simplifier et à la recherche d'avancer encore.

Une fois la paire produite et conservée, on peut la manipuler et l'observer. On fait entrer en jeu des forces magnétiques, on applique aux photons des vents de polarisation, on les « trempe » dans des cages à vide ou à vide condensé, dont on modifie et modèle les formes, on piège des ions dans de l'ultrafroid, on passe d'une longueur d'onde à une autre, on calcule les meilleurs angles d'incidence, on cherche de nouveaux critères d'intrication en faisant intervenir des données de températures, de forces gravitationnelles, et on observe, on calcule les erreurs et les erreurs possibles, on recommence, on observe et on calcule, on prédit à nouveau. La paire de photons intriqués semble caractérisée non seulement par un état d'énergies corrélées mais également par un angle et un axe de polarisation  ; on parle même d'un « angle magique de 54.7° »...

On étudie les largeurs de bandes spatiales des photons en état d'intrication. Par différents procédés d'optique, de chimie des solides, des liquides ou des gaz, de variations des longueurs d'ondes, on diversifie les natures des états condensés de la lumière ou du vide. On polarise, on analyse, on teste la validité des théorèmes, on les affine avec des « si et seulement si ». On s'interroge pour savoir si par exemple, l'Hélium 2 liquide est proche d'un supersolide ou d'un cristal, on croise des matrices de densité pour tenter de contrôler ou de prédire, on bute en mathématiques sur la Dimension 6, on tente de maîtriser toujours mieux le comportement et les propriétés de l'intrication et de la téléportation quantique jusqu'à pouvoir en fournir une équation mathématique générale, comme le propose le Docteur Thomas Durt de l'Université Libre de Bruxelles. Tout cela donne des indices pour la recherche future, des pistes pour les expérimentations à venir.
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Bien sûr on semble encore loin du rêve de la téléportation au sens commun du terme et pourtant les « portes quantiques », les « résonateurs unidimensionnels à spectres équidistants », les « boucliers magnétiques à température ambiante », les « anneaux de division » ont de quoi stimuler l'imagination.

Mieux : ces technologies avancées sont déjà en train d'améliorer notre quotidien. Elles commencent à sortir du Laboratoire. Un nouveau domaine en pleine expansion est celui de l'informatique quantique, dérivé directement du dialogue quasi télépathique entre photons intriqués et faisant appel aux théories et technologies de l'information et de la communication ; six sessions lui étaient consacrées cette année à l'ICSSUR.
Des solutions commerciales (développées par NEC, produites par MagiQ) ont été présentées. De telles solutions permettent de transmettre l'information non plus de la manière logique binaire « standard » mais sous forme de bits quantiques ou QuBits (sorte de sous-bits dinformation potentielle), QuTrits, QuQuarts, ou QuOctets, l'information « photonique » promet des performances de calcul et des capacités de stockage d'une mesure encore plus impressionnante que celles proposées actuellement par sa grande sœur numérique.

Un autre avantage de la communication quantique est son inviolabilité: l'information n'est en effet jamais transportée en l'état (même cryptée) mais disponible potentiellement dans un système intriqué. Tant que le récepteur ne fait pas de mesure, l'information n'existe pas, elle est en existence potentielle, elle se modélise à réception, au moyen de clefs aléatoires qui permettent la « révélation » de l'information uniquement de manière corrélée avec l'émetteur : par déduction de son état et de son état jumeau, l'information est « devinée » et retranscrite au destinataire. Et tandis que MagiQ s'interroge sur les meilleures configurations possibles des réseaux et protocoles de communication photonique, l'Université d'Innsbruck présente un langage informatique d'encodage quantique, autrement dit ici spatial ou polarisé en trois dimensions.

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Outre la communication et la cryptologie, un autre sous-domaine de la physique quantique est peu à peu apparu, deux sessions lui étant d'ailleurs consacrées à l'ICSSUR, celui de l'Imagerie Quantique ( Quantum Imaging ) : grâce à la polarisation d'information en état quantique on touche à l'hyper haute définition de l'image et ce domaine laisse notamment présager de grandes avancées en imagerie médicale.

Alors, où en est-on vraiment ? A force de superposition de lumière et de vides condensés, ultracondensés, les physiciens d'aujourdhui savent maîtriser la production, la détection, la transmission et la conservation de l'étrange intrication quantique.

L'amplification des valeurs les plus faibles dans le vide condensé n'est pas au point. Les idées et possibilités ne manquent pas pour multiplier les tests sur l'atome : l'Institut Niels Bohr de l'Université de Copenhague propose un cylindre d'intrication ionique par photonisation quantique, l'Institut de Physique du Laser de l'Université de Hambourg observe parfaitement le passage d'ions calcium intriqués de l'état lumineux à l'état sombre ; la séquence animée de ce phénomène, présentée lors de l'exposé du professeur Peter Toschek, avait de quoi laisser pantois tous les amoureux de l'image et du trucage vidéo.

Pourtant ici pas de trucage ! Tels des alchimistes, nos chercheurs continuent à doser des « bains quantiques » de plus en plus puissants et perfectionnés. Spécialistes d'optique, de mathématiques théoriques ou appliquées, de systèmes d'information ou de théorie des réseaux, de physique des champs, physique nucléaire ou astrophysique... se concertent pour affiner des pans de la recherche quantique qui en sont encore parfois au stade de l'intuition : couplée aux théories gravitationnelles et à la cosmologie, notamment celle des trous noirs, la physique quantique, fondamentale ou appliquée, pourrait bien finir par sortir du nanomètre pour passer à des distances données cette fois en années-lumière ; le hors portée de l'espace lumineux intrigue, on s'aventure à peine à mettre en relation la trajectoire de propagation en hélice du photon avec la forme en hélice de l'ADN, mais on pressent que le rapprochement entre les domaines de la physique quantique et de la génétique ou de la biochimie, pourrait nous apprendre et nous surprendre, pour atteindre peut-être une révolution quantique que chacun espère mais que personne n'ose prédire.
Si l'on en croit les statistiques concernant les étapes franchies par la recherche quantique depuis l'énonciation de ses fondements par Einstein au début du siècle dernier, un grand tournant semble se produire tous les trente ans ; les dernières découvertes ou observations fondamentales ayant été réalisées en 1995, on peut s'attendre à quelques avancées spectaculaires pour 2025... et pourquoi pas avant ? En cette année de la physique où l'on célèbre essentiellement Einstein, ce sont tous les physiciens reconnus ou malchanceux, tous ces étudiants expérimentateurs minutieux et obstinés que nous devrions saluer, tous les Einstein, Bohr, Bell, Schrödinger de notre temps qui ensemble, enfermés en Laboratoire, nous permettent non seulement d'améliorer notre quotidien, mais surtout d'imaginer encore... En présence de Young Kim, professeur à l'Université de Maryland et fondateur de la série ICSSUR en 1991, les chercheurs quantiques, dont certains ont déjà des noms de théorèmes, leurs étudiants passionnés, tous, se sont donné rendez-vous à Bradford en 2007.

Un dixième point de mesure de l'état de la recherche quantique que le professeur Apostolos Vourdas saura sûrement préparer avec brio... Dici là, nous tous, quidams quantiques, continuerons à rêver...

author : géraldine grün nevers, all rights reserved
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